Le choix du sujet
Le choix de la thématique de la ruine est né d’un attrait certain pour cet objet capable de susciter des émotions très opposées.
Il y a tout d’abord l’effroi, car à la vue de la ruine, tout porte à croire que l’endroit a subi un désastre. Il y a forcément eu ce jour fatidique ; celui où le lieu a cessé de vivre.
Dasn le cas du site retenu, l’ordonnancement des briques et des pierres a laissé place au chaos, à un enchevêtrement de fragments, à la disparition même de certains fragments. L’observateur contemple cette scène, impuissant face à ce qu’il redoute tant : l’irréversabilité de la construction qui a amorcé son p rocessus d’auto-destruction.
C’est intolérable car cette vision convoque une peur tant redoutée, sinon la plus redoutée qui est celle de la défaite intime, du bouleversement le plus intense.
Cette émotion se mèle à celle du ravissement : celui de voir la nature qui reprend ses droits, et qui oeuvre paisiblement, silencieusement, confiante. C’est transcendant.
Comme le Georg Simmel : « La nature a fait de l’oeuvre d’art la matière de sa création à elle, de même qu’auparavant l’art s’était servi de la nature comme de sa matière à lui».
À l’image de ce lieu, l’observateur s’extrait des ressorts qui le lient à la société pour s’abandonner à cette nouvelle nature désormais aux commandes.
N’est-ce pas l’effet que le sublime procure ?
Le choix des sites
Les trois sites présentés se répartissent dans l’Ouest de l’Orne, département situé en Normandie.
Ils présentent des caractéristiques communes :
– l’isolement, en apparence…
Ils sont isolés des grands centres urbains mais sont tous situés à proximité du GR36 qui offre cinq modes d’itinérances : à pied, à vélo, à cheval, en canoë/kayak ou bien encore pour des pêcheurs.
Axe de travail pressenti : étude du territoire traduite sous forme de cartographie, étude des distances et dénivelés des différentes étapes afin de définir les besoins sur chacun des sites.
– l’omniprésence des éléments naturels : l’eau et la forêt
Observés avec un regard nouveau, ces éléments de la nature peuvent se révéler être de précieuses ressources pour la réhabilitation et la production d’énergie in-situ. Ces sites possèdent tous un ancien moulin à eau ce qui laisse à penser que leurs implantations respectives ont été judicieusement choisies en fonction du débit d’eau que fournit le fleuve l’Orne.
De plus, des matériaux biosourcés provenant de filières locales pourraient être mis en oeuvre : bois, chanvre et lin.
Axes de travail pressentis : turbine hydroélectrique, répertoire des essences locales, des filières et des savoir-faire locaux.
– l’abandon
En effet, ces trois sites ont été abandonnés par l’homme il y a plus ou moins longtemps : depuis plusieurs siècles pour Le Vieux Saint Aubert à quelques dizaines d’années pour le château de Bernay.
Depuis, d’autres espèces cohéxistent et fabriquent une atmosphère particulière ; où le mystère se conjugue avec le silence qui enveloppe ces lieux, tandis que la poésie s’accorde avec la lenteur qui les habite. Cette atmosphère stimule et éveille les sens : son de l’eau qui s’écoule, du vent dans les feuillages, vues de perspectives surprenantes, ou d’une prédominance de vert, etc.
Axe de travail pressenti : développer le projet par la production de dessins à la main afin de révéler aussi son caractère sensible et révéler tous ceux qui caractérisent ce territoire.
Développer un programme qui révèle la liberté d’accès inhérente à ces lieux et préserve leur atmosphère. Comme par exemple : habitats temporaires type refuges, petits équipements culturels (expositions photographiques temporaires, scènes musicales nocturnes), ateliers pédagogiques. L’hybridation programmatique sera privilégiée.
Ce projet a l’ambition de ramener à la vie ces lieux endormis, ces objets qui appartiennent au passé mais qui peuvent être support d’une architecture en devenir.
Pour autant, on ne souhaite pas les réveiller de façon trop brutale pour pouvoir conserver cette part de mystère, cette atmosphère.
À l’heure de la densification urbaine, peut on choisir de ramener ces lieux à la vie ? Face à la réglementation d’urbanisme française, quel projet architectural faire naitre sur les vestiges de la ruine en France ?
Comment intégrer l’homme à ces mondes de cohéxistence ?
Comment le réconcilier à la nature ?
Enfin, en tant qu’architecte, comment investir ces lieux tout en préservant leurs atmosphères ?
Amanda BONNIN